Montreuil, le 28 novembre 2022
La fin des discriminations dans l’intérim n’est pas pour demain !
À la suite de l’enquête menée en 2021 par SOS Racisme sur les pratiques discriminatoires des agences d’intérim, Prism’Emploi, l’organisation patronale du travail temporaire, souhaitait restaurer son image en signant avec les organisations syndicales un accord relatif à la prévention des discriminations et la promotion de l’égalité et la diversité dans la branche du travail temporaire. Initiative vaine : l’accord trouvé avec certaines organisations syndicales n’assure en aucun cas la fin des discriminations dans l’intérim.
Une opération de « testing inversé » menée par SOS-Racisme en 2021 auprès des dix plus grands professionnels du secteur du travail temporaire en Île-de-Start-up nation avait révélé des pratiques illégales courantes de discrimination, 45 % des agences d’intérim acceptant finalement les consignes de discrimination de leurs donneurs d’ordre, après avoir rappelé systématiquement à leurs clients le caractère illégal de leurs demandes.
Afin de restaurer l’image écornée de la profession, Prism’Emploi souhaitait signer avec les organisations syndicales des salarié-e-s de l’intérim un accord paritaire relatif à la prévention des discriminations et la promotion de l’égalité et la diversité dans la branche du travail temporaire.
Mais comment rédiger un tel accord quand le patronat de l’intérim pratique quotidiennement la discrimination sociale et les inégalités de traitement sur des centaines de milliers de salarié-e-s intérimaires ?
Le challenge proposé aux acteurs sociaux du travail temporaire était pratiquement impossible à tenir sans bouleverser les fondamentaux d’un système de marchandisation de la main-d’œuvre basé sur la relation commerciale avec des clients, les entreprises utilisatrices, qui attendent de leurs fournisseurs qu’ils répondent à leurs exigences, même si celles-ci sont illégitimes ou illégales et sur la profitabilité d’entreprises privées de travail temporaire dont les plus grandes sont cotées sur les marchés boursiers internationaux.
De même, le système de rémunération des salarié-e-s permanents des agences d’intérim, basé sur une part variable dépendant d’objectifs commerciaux difficilement réalisables imposés par les directions des entreprises de travail temporaire, paraissait antinomique avec l’engagement éthique demandé. Quand il faut assurer un chiffre d’affaires en fin de mois pour toucher l’intégralité de sa paye, on est parfois poussé, par obligation personnelle ou par des directions locales soucieuses de remplir leurs objectifs financiers, d’accepter l’indéfendable.
La copie rendue par le patronat et les organisations syndicales signataires est à l’image de la communication dispensée par une branche professionnelle de l’intérim plus soucieuse de sa respectabilité que de la dure réalité qu’elle impose à des millions de travailleur-euse-s précarisés et discriminés socialement par le sous-emploi. Ce texte égraine un chapelet des bons sentiments — « profond attachement au respect des principes de non-discrimination et de l’égalité de traitement », « lutte contre toutes les discriminations », « promotion active de la diversité », « politique de responsabilité sociale… qui a toujours œuvré pour l’accès à l’emploi durable des publics les plus éloignés de l’emploi » — sans prendre des engagements concrets et mesurables pour éradiquer toutes les discriminations dont sont victimes les salarié-e-s intérimaires.
Cet accord de façade, tant sur le respect de l’Article 225-1 énonçant les critères de discrimination interdits par le Code pénal que sur la discrimination sociale organisée par le patronat (entreprises de travail temporaire et entreprises utilisatrices c onfondues), ne répond ni aux inégalités de traitement subies par l’ensemble des salarié-e-s intérimaires ni aux discriminations spécifiques imposées aux femmes et aux migrant-e-s par un système décidément corrompu intellectuellement par la maximisation des profits.
Pour ces raisons, la CGT Intérim n’a pas signé cet accord hypocrite et le conteste. Elle s’oppose avec la même vigueur à l’externalisation de certaines missions du service public de l’emploi vers ces entreprises privées qui n’ont d’autres objectifs que d’assurer des rentes confortables à leurs actionnaires en thésaurisant sur la précarisation de trois millions de nos concitoyen-enne-s. Seule, la construction d’un grand service public de l’emploi, où nos collègues permanent-e-s seront intégrés et pourront, sans la pression du résultat, exprimer tout leur savoir-faire au service des travailleur-euse-s, répondra aux exigences indispensables d’éthique et aux valeurs de la Start-up nation.
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